La ville est une thématique fondatrice du CSU et les travaux poursuivis aujourd’hui reprennent certains des apports majeurs des travaux plus anciens, du point de vue des approches – appréhension de l’espace urbain comme site d’observation et d’analyse des classes sociales ; insistance sur les catégories d’appréhension et de réforme de la ville – ou de la méthodologie (analyses quantitatives). Ils ont également pour point commun avec les plus anciens de ne pas considérer la ville comme un simple cadre de la vie sociale, mais d’interroger au contraire les relations entre espace social et espace physique, en considérant que si le premier structure le second, les formes de la ville exercent des effets en retour sur les rapports sociaux – jusqu’à les orienter par le biais des usages de l’espace.
Deux grandes questions, donnant lieu à des objets empiriques très diversifiés, sont au centre des travaux actuels du CSU : l’action publique et les ségrégations urbaines.
Ces travaux apportent un éclairage sur les politiques urbaines et leur transformation contemporaine par une double approche : en développant, d’un côté, une socio-genèse des catégories de l’action publique et, de l’autre, une étude de l’action publique dans sa continuité, ce qui suppose de ne pas séparer le moment de la formulation d’un « problème » et celui de la mise en œuvre de « la solution », dans la mesure où celle-ci peut déterminer la définition même du contenu de la politique prise en examen. Sont ainsi analysés l’émergence de nouveaux problèmes sociaux (les questions environnementales et plus particulièrement celle de l’eau), de territoires d’intervention spécifiques (les « quartiers sensibles »), ou encore de groupes sociaux ciblés (les « jeunes »), et l’impact persistant de la spatialisation des problèmes sociaux. L’analyse des catégories ainsi inventées insiste sur les processus de leur élaboration, et notamment sur les circulations des éléments qui y prennent part entre différents univers sociaux : monde savant et monde administratif, champ journalistique et champ des experts, univers des élus et univers des gestionnaires des organismes de logement social.
La question de la ségrégation est abordée à la fois par le biais d’enquêtes statistiques (sur l’articulation entre ségrégation spatiale et ségrégation scolaire) et d’études des processus de valorisation et dévalorisation de l’espace physique, qu’il s’agisse des centres des villes (gentrification) ou des périphéries (en particulier pavillonnaires). Ces processus sont analysés à partir d’une sociologie des élus et de l’administration en lien avec les usagers et les professionnels de la ville en ce qui concerne la patrimonialisation architecturale et l’aménagement urbain ; des acteurs privés et publics du marché locatif ; des parents et de leur sens du placement scolaire ; ou encore des groupes sociaux qui imposent leur marque sur la ville (communauté théâtrale). L’approche par les trajectoires résidentielles – celles des locataires par exemple, à partir de la question de l’endettement – en lien avec les trajectoires sociales, occupe une place importante dans ces travaux.
Du point de vue des méthodes, si l’éclairage statistique reste une constante du laboratoire, l’enquête ethnographique y a été particulièrement développée. Les monographies réalisées appréhendent les villes ou les quartiers comme étant marqués par de multiples différenciations sociales et objets ou effets de mobilisations locales, qu’elles soient politiques, morales ou artistiques. Un même souci de prendre en considération tous les acteurs de la ville – qu’ils l’habitent ou la fabriquent –, d’analyser les rapports sociaux dans lesquels ils sont insérés et les ressources qu’ils mobilisent dans leur action, marque l’ensemble de ces enquêtes. Les travaux portent sur des zones géographiques diversifiées : la France et plus particulièrement l’Île-de-France, dont est étudiée la morphologie physique et sociale ; les grandes villes allemandes, celles des États-Unis et d’Amérique Latine. Ils sont souvent comparatifs, s’intéressant en particulier aux circulations qui ont lieu entre les différents espaces géographiques considérés. La démarche adoptée par de nombreux chercheurs donne toute sa place à la réflexivité, qui invite à s’interroger sur les catégories mobilisées par les savants, parties prenantes du monde social et de ses luttes symboliques.